Religion Les Pâques chrétiennes et la Pâque juive en quelques questions
Détail du retable d’Issenheim, de Mathias Grünewald. Pour les chrétiens, Pâques est la fête la plus importante : elle commémore la mort et la résurrection du Christ, qui sont au cœur de la doctrine chrétienne. Photo Thierry GachonD’un côté la Pâque juive (Pessah), de l’autre, les Pâques chrétiennes. Qu’est-ce qui les différencie ? Qu’est-ce qui les rapproche ? Voici quelques précisions en ce Vendredi saint.
Que commémore cette fête ?
Avant le christianisme, et avant même le judaïsme, le printemps devait avoir sa fête : l’homme a toujours célébré la renaissance de la Nature. Pour les chrétiens comme pour les juifs, la fête de Pâques garde finalement un sens similaire : on célèbre Dieu qui nous libère (de l’esclavage, des péchés, de la mort…), qui nous re-crée comme le printemps fait revivre le jardin.
POUR LES JUIFS. Pessah rappelle la sortie biblique d’Égypte, vers 1 200 ou 1 500 ans avant Jésus-Christ. Conduits par Moïse, les Hébreux se libèrent du joug de Pharaon, qui les tient en esclavage. Ils traversent miraculeusement la mer Rouge puis reçoivent la loi divine sur le mont Sinaï ; ils se libèrent alors cette fois de l’idolâtrie et du paganisme. « C’est à ce moment-là que naît le peuple d’Israël », commente Jacqueline Cuche, déléguée diocésaine en Alsace pour les relations avec le judaïsme. « Ce qui n’était qu’une tribu devient le peuple de Dieu ».
POUR LES CHRÉTIENS. Pâques commémore le dernier repas du Christ avec ses apôtres (la cène), suivi de sa Passion, sa crucifixion et sa résurrection. Ces événements, qui seront au cœur de la doctrine chrétienne, se sont déroulés justement au moment de Pessah, que le juif Jésus devait célébrer à Jérusalem avec ses disciples. La cène est la première eucharistie. Comme l’agneau du sacrifice, comme Isaac, fils d’Abraham, Jésus consent à donner sa vie pour sauver les hommes.
Quels rites l’accompagnent ?
POUR LES JUIFS. Si des offices spéciaux sont proposés à la synagogue, ce rite est avant tout domestique.
Pessah dure sept jours en Israël, huit dans la diaspora. Il débute par un ou deux repas appelés « seder », qui durent plusieurs heures et répondent à un cérémonial extrêmement précis, détaillé dans la « haggadah ». Six mets symboliques, en rapport avec l’histoire biblique, sont rassemblés sur un plateau : un os (évoquant l’agneau pascal), des herbes amères, du persil ou des radis, de l’eau salée, un œuf dur et un mélange de fruits et de noix.
Pendant tous les jours de la fête, il est interdit de consommer du pain qui ne soit pas azyme (sans levain), en référence à la précipitation du départ d’Égypte. Et il ne faut surtout pas qu’il reste dans la maison quelque chose qui puisse fermenter (hametz). La maîtresse de maison inspecte donc soigneusement chaque placard, chaque poche, chaque recoin pendant près d’un mois. Une sorte de nettoyage de printemps… Pessah « est l’un des rites les mieux observés du judaïsme », constate Jacqueline Cuche. « Le seder est très important pour la famille, et en particulier pour les enfants. C’est une fête essentielle pour la transmission. Le judaïsme est une religion très concrète, qui explique l’être profond par des gestes ».
POUR LES CHRÉTIENS. Pâques est le sommet de l’année liturgique. Pour les catholiques, le mercredi des Cendres donne le coup d’envoi du carême, quarante jours avant Pâques. La Semaine sainte débute avec le dimanche des Rameaux, qui rappelle l’arrivée triomphale de Jésus à Jérusalem… où il sera bientôt mis à mort. Les trois derniers jours (le triduum, du Jeudi saint au samedi soir) évoquent la cène, la Passion et la résurrection.
En 1951, le pape Pie XII a rétabli la veillée pascale dans la nuit du samedi au dimanche (depuis le XIIIe siècle, elle était célébrée dans la journée du samedi). Lors de cette liturgie très riche, on célèbre notamment les rites de la lumière (le feu pascal) et de l’eau (on bénit l’eau du baptême).
Traditionnellement, les protestants insistent particulièrement sur le Vendredi saint, même si, note le pasteur strasbourgeois Jean-Claude Hutchen, ceux-ci sont « en train de redécouvrir la vigile pascale ». Concernant le carême, toute vision doloriste est rejetée. « S’il y a pratique du carême », ajoute le pasteur, « ce n’est pas pour se mortifier mais pour mieux vivre la solidarité ».
Chez les orthodoxes, la date (voir ci-contre) et la liturgie sont différentes. Le rite de l’eau est ainsi absent. L’Église d’Orient a toujours célébré la veillée pascale dans la nuit du samedi au dimanche. La résurrection est célébrée à minuit précisément. Au début de la célébration, l’église est plongée dans le noir. Le prêtre allume une bougie à une veilleuse posée sur l’autel, puis transmet la flamme, de bougie en bougie, à chaque fidèle. L’assemblée sort alors sur le parvis où le prêtre prononce l’évangile de la résurrection. Ce faisant, commente le prêtre orthodoxe Vasile Iorgulescu, « on montre que ce message est destiné à toute l’humanité ».
Source l'AlsaceMerci à Hervé de Chalendar pour cette article